résentation

Nous citons ici deux articles présentant Fernand Oubradous, le premier par Maurice Chattelun, et le second par Jean-Charles Hoffelé (une chronologie est également disponible):

"Fernand Oubradous [...] est né à Paris le 19 fé vrier 1903, voué à la musique par ses dons et par le basson paternel.Pour l'écriture il recut l'enseignement de Mazellier et Noel Gallon. Orienté vers le basson, il y manifesta des aptitudes extraordinaires. L'année qu'il passa dans la classe du Conservatoire et le premier prix exceptionnellement brillant qui la couronna n'étaient pour lui que des formalités. Lui ont été attribués les emplois de soliste, en 1934, des "Concerts Walter Straram" et de l'"Orchestre national de la Radiodiffusion francaise" dès sa création, en 1935 de l'orchestre de l'Opéra, en 1936 de "la Société des Concerts du Conservatoire", où il remplaca son père. Il a sublimé l'instrument joué par Haydn tant à l'égard de la sonorité, équilibrant une diversité inouie et l'homogénéiuté, que la diversité : plus de registre ingrat, plus de note incertaine. Et la sonorité qui lui est demeurée personnelle aura éé aussi prenante et aussi rare que celle des plus prestigieux artistes du chant. Qu'il enregistre "Andante" et "Rondo" de Weber ou le concerto en si bémol de Mozart, qui lui valut en 1937 "le Grand prix du disque", ou joue ce concerto à "la Société des Concerts" ou avec l'Orchestre de chambre de Bâle, Stan Golestan, José Bruyr, Vuillermoz, Robert Brussel, Lucien Rebatet ... épuisent vite leur provision de termes laudatifs. D'avoir entendu par lui le motif de la sérénade de Beckmesser à la dernière page du 2ème acte des "Maîtres chenteurs" suffit pour envelopper la caricature du pauvre homme dans la poésie shakespirienne d'une nuit d'été.

Il est de plus un créateur d'institutions. En 1927, avec deux premiers prix du Conservatoire et solistes de "la Garde Républicaine", Myrtil MOREL, hautbois solo des "Concerts Colonne", élève de G. Gillet et L. Bas (eux-mêmes membres de la "Société des instruments à vents" [...]), et Pierre LEFEBVRE, soliste de "Concerts Lamoureux", issu d'une famille de clarinettistes virtuoses, il fait venir au jour le "Trio d'anches de Paris", le contrepoint à trois parties étant souvent réputé en notre siècle pour le genre parfait d'écriture. Le prmier "trio d'anches", "qui présida, écrit Henri Martelli, à la naissance de tant et tant d'heureuses partitions contemporaines et qui décida, au surplus nombre d'artistes à se grouper, aussi bien en France qu'à l'étranger, dans des formations analogues", s'est produit aux concerts du "Triton", de la "Société nationale de musique", du "Mardi de la Revue musicale", de la "Sérénade", des "Amis de la Jeune France", des stations de radiodiffusion... Sans imprésario ni publicité il apparut en provice, en Suisse, en Allemagne. On n' pas oublié la création d'oeuvres d'Albert Roussel (qui du trio sollicité en 1934 ne put écrire que l'andante), de Darius Milhaud, Jacques Ibert, Reynaldo Hahn, Pierre-Octave Ferroud, Georges Auric, Henry Barraud, Daniel Lesur... Wielard Wagner, à la première audition de "FUguette, sicilienne et rigaudon" de Bozza, en mars 1934, délara à Henry Malherbe, critique musical du Temps, "qu'il ne connaissait pas au monde trois virtuoses de cette force", témoignage à rapprocher de celui de son grand-pè opposant aux interprétations allemandes de la 9ème symphonie de Beethoven, dans son traité sur "l'Art de diriger l'orchestre", la révélation du melos et des mouvements exacts qu'il recut en 1839 de Habeneck.

Comme chef d'orchestre et directeur artistique, Fernand Oubradous sera appelé au Grand Théâtre de Lille pour deux saisons. Comme pédagigue, il formera pendant prè de trente ans au conservatoire national supérieur de Paris, dans la classe d'ensemble instrumental éée en 1941 pour le premier spécialiste d'une musique de chambre avabt lui marginale, plus de cent professeurs de nos écoles de musique et d'artistes et professeurs de Belgique, Suisse, Autriche, Iralnde, Portugal, USA, Canada, Brésil, Uruguay ... Parmi eux bon nombre créèrent de nouveaux ensembles. Ainsi naquirent à Paris le trio d'anches de Jean LOUCHEZ et le quintette à vent Robert CASIER, fondateur par la suite de l'"Association francaise de musique de chambre" que préside son ancien Maître. A ce rayonnement participeront des tournées de la classe, tournées d'initiation dans nos provinces de l'Est, tournées de propagande à l'étranger, qui apporteront notamment de la musique de Darius Milhausd et Jacques Ibert à la Scala de Milan, de Rameau, Chabrier et Roussel au festival de Salzbourg, en même temps qu'une interprétation francaise de Mozart; et le professeur enseignera de 1954 à 1958 au "Mozarteum" (ce qui lui vaudra de juxtaposer à ses distinctions honorifiques nationales l'"ordre des beaux-arts et des sciences de la République autrichienne"). Nous mentionnerons encore ici les brèves pièces demandées pour l'"Ecole des instruments à vent" de l'orchestre classique, avec adjonction du saxophone, à Honegger, Ibert, Jolivet, Auric, Barraud, Loucheur, Daniel-Lesur ..., pi&egarve;ces aussi musicales que didactiques, gravées par Rampal, Pierlot, Lancelot, Allard, Coursier, Delmotte et Defayet sur un microsillon que primera l'"Académie du disque francais".

Compositeur, il a naturellement écrit pour trio d'anches, quintette à vent (la "Fantaisie dialoguée"), sextuor de clarinettes; mais sont à rappeler en outre trois pièces pour flûte, violoncelle et harpe, une ouverture pour grand orchestre (créée par Eugène Bizot et reprise à Lille), sans compter le service, pendant cinq ans, de la musique de scène au théâtre de Charles Dullin ... Néanmoins, songeant aux autres plus qu'à soi, il aura donné une part importante de ses heures de liberté à la révision d'oeuvres de Lully, Vivaldi, Francois Couperin, Jean-Marie Leclair, Corette, Philidor, Simon Le Duc, Devienne ...; travaux auxquels se joint une radieuse orchestration de l'"Offrande musicale" de Bach. De là vient, dans le domaine de l'édition, sa responsabilité d'une collection de musique classique. Devaient s'y ajouter une collection de musique contemporaine francaise, où accueillit Jolivet, Loucheur, Sauguet, Rivier, Wiener, Jean Francaix, Damase, Bitsch, Planel, Calmel..."

Maurice Chattelun, 1979



"Il ne faut pas se fier à l'air de notable tranquille qu'à toujours arboré devant les photographes Fernand Oubradous. Cet homme fut un moderniste. Réfugié derrière son statut de bassoniste virtuose - ses enregistrements de Concertos de Mozart n'ont toujours pas été égalés - il s'adonna avec une liberté confondante à ses premières amours, la direction tous azimuts. En France il fut certainement cemui qui dirigea le plus de créations d'oeuvres nouvelles, ce que sa trop fugace discographie ne reflève qu'imparfaitement. Mais le peu de musique de notre temps qu'il grava demeure infiniment précieux : une Histoire du Soldat avec Jean Marchat, Marcel Herrand et Michel Auclair, de Stravinsky toujours les Deux Suites, d'Hindemith le Concerto da Camera pour flûte et hautbois. La Création du Monde de Milhaud, la Symphonie Concertante d'Ibert attendent, entre autres, toujours leurs rééditions. Au concert, Oubradous fut donc un créateur infatigable ; Hahn, Malipierro, Tomasi, Langlais , Enesco, Martinu, Emmanuel et tant d'autres furent toujours servis par ce chef d'ensemble charismatique.

Mais il sut aussi redécouvrir les maîtres du passé, et son remarquable arrangement de l'Offrande musicale connut une vogue méritée. Oubradous fut le premier à graver cete oeuvre inclassable en integralité, une sorte de folie au temps du 78 tours, mais l'homme possédait une volonté, faisait preuve d'un entêtement qui avaient riason des frilosités des directeurs artistiques. Il y a, à entendre aujourd'hui les disques d'Oubradous, derrière leur rigueur implacable, le plaisir de découvrir une nature généreuse, une sorte de puissance terrienne qui sait donner corps aux musiques les plus difficiles, les plus insaisissables.

Cet art magnifique noius rappelle quel rô essentiel les souffleurs de l'école francaise tinrent dans la redécouverte de tout un répertoire marginalement servi par de trop rares stars de la baguette. Marcel Moyse en fut un autre exemple."

Jean-Charles Hoffelé, 1998